Adieux à Anne-Marie Cattenoz Grandvuinet

Semaine dernière, le monde perdait un être cher.
De ces êtres qu’on voudrait plus nombreux sur une planète montrant des signes de faiblesse, où l’on vivrait si bien avec plus de douceur, de paix et de fraternité. Son petit-fils Arnaud a dit les bons mots en l’Eglise Saint Martin lors des obsèques ce jeudi 8 juin2023 en évoquant la personne la plus gentille qu’il ait connue et le meilleur modèle à suivre.

Née à Ney, le huit août mille neuf cent trente d’Eglantine Baud et Louis Grandvuinet , Anne-Marie avait choisi de respecter les règles dès sa naissance, arrivant deux ans après son frère Maurice, qui avait vu le jour deux ans après Marcelle, laquelle avait attendu deux ans pour venir tenir compagnie à leur sœur ainée Jeanne.

Lundi 5 juin, la dernière de la fratrie a tiré la dernière sa révérence, signant une fidélité sans faille à son village natal qu’elle n’aura jamais quitté. Son enfance dans un cocon protecteur auprès de la tante Claire, du tonton Jules, de la tante Marthe et la cousine Hélène dont elle était si proche, a forgé cet esprit d’entraide familiale dont sa descendance directe ou alliée a pu profiter ou s’inspirer.

Pendant la guerre, elle était la plus jeune à passer avec angoisse la ligne de démarcation pour se rendre au collège. Scolarisée d’abord à Lons jusqu’au Brevet, elle intégra ensuite l’école ménagère de Morbier.

Peu après la guerre, en 1947, la fratrie perdit la maman âgée seulement de cinquante-sept ans.
A dix-sept ans, tandis que ses frères et sœurs travaillaient, Anne-Marie s’occupait de son père, un monsieur d’âge avancé pour l’époque puis qu’il était de 1873 tout de même, mais également de la tante Claire. Accessoirement elle donnait des coups de mains à la scierie Grandvuinet.
Cinq ans plus tard, le papa décéda à son tour à soixante-dix-neuf ans.

Elle trouvait aussi le temps pour faire du sport parmi les Epis d’Or, une association sportive précurseur de l’AS Ney menée par l’Abbé Ranfer et Fernand Caseaux, proposant Basket, Athlétisme  et gymnastique. Elle a par ailleurs goûté au théâtre.

Au cours des années  qui suivirent, elle devint sensible au charme d’un jeune du village, conscrit de Maurice, qui l’épousa en 1958. Fredo et Anne-Marie allaient avoir eux aussi quatre enfants, comme s’il s’agissait à nouveau d’une règle héritée de ses parents. Hervé, puis Geneviève, Bruno et François, venaient consolider le foyer installé près du chalet sur la place du village, dans la maison ancestrale.

Anne-Marie a travaillé dans l’habillement puis effectué des ménages chez différents particuliers.
Fredo aimait la musique, tenait la baguette à la chorale et jouait au théâtre. Dans ses activités culturelles il bénéficiait d’un soutien indéfectible de son épouse, fabuleuse hôtesse chouchoutant les choristes après les répétitions du vendredi soir.

La famille, les voisins, les calins, les gens. Tous étaient bien venus et bien accueillis. Anne-Marie était généreuse dans l’âme. Interdit un passage sans prendre un café ou un apéritif, sans goûter à l’une de ses recettes maison. Incontournable la visite de nouvel an pour la bonne année, avec les risoles jurassiennes qu’on était pressé de déguster tandis que la mamie s’esquivait un moment pour revenir avec des friandises destinées aux petits enfants ou petits neveux et nièces.
Les conscrits ne s’y trompaient pas non plus. Souvenirs ancrés et inoubliables.

Ses six petits-enfants, elle en a pris tellement soin, les a tellement soutenus, dans leurs moments difficiles. Un sacerdoce qu’ils n’oublieront pas et qu’ils enseigneront sans doute eux-mêmes à leurs enfants dont Gabriel, qu’elle a connu, et le prochain qui comme un clin d’œil arrivera aussi en août.

Elle a été aux petits soins pour son mari qu’elle a accompagné jusqu’en 2019 avant qu’il ne s’éteigne. Touché par un AVC en 2021 elle avait pris les choses avec résignation, conservant ce sourire apaisant qui vous fait comprendre qu’il faut somme toute apprécier la vie. Quand la fin approcha elle ne fut pas dupe et jugea très simplement qu’il était temps de rejoindre ceux qui l’avaient précédée.

Lorsque d’aventure, on passera derrière la maison où réside aussi Hervé, on devinera peut-être l’hologramme d’une femme assise dans le clos, paisible voire endormie sous le pommier ou le frêne, appréciant l’instant présent dans un coin de son Paradis terrestre. Mais assurément qu’on se le dise, elle sera sans doute dans un autre paradis.

Nos condoléances à la famille.

P@